Saturday, September 4, 2010

Extrait no 16 - Chapitre 5

Chapitre 5

17 octobre 2007… région de l’Argonne…

La ville disparaissait sous des trombes d’eau glacées. À croire que le pays s’était transposé dans une zone tropicale, tellement il pleuvait. Seule différence, le froid qui m’enveloppait le corps et me transperçait les os. Suivant l’itinéraire que m’avait indiqué l’assistante, je quittais la ville. Les essuie-glaces émettaient un couinement douteux à chaque coup de balai sur le pare-brise. Ils peinaient à effacer les giboulées de pluie torrentielle. Je compris la signification des paroles de Michel, quand il disait que son auto était économique : il n’avait pas changé les essuie-glaces depuis au moins une dizaine d’année.

Au bout de quelques kilomètres parcourus sur des petites routes départementales avec une visibilité presque nulle, je me demandai par quelle protection divine j’avais pu atteindre ma destination.

Un petit chemin pavé me conduisait à une propriété cossue. Des murs assez hauts encerclaient la grande maison. J’arrêtai l’auto non loin du portail. Je sonnai le carillon sur le côté du portail métallique, de 3 mètres de haut. Une voix parasitée par le grésillement de l’interphone me répondit.

— Oui !

— C’est Alain Thibault, j’ai un rendez-vous avec Docteur Mont Chevrier.

— Entrez, vous pouvez garer votre voiture à l’intérieur de la cour.

Où voulait-elle sinon que je laisse mon auto par ce temps horrible?!

Le portail fit un déclic et s’ouvrit. J’avançai lentement l’auto et l’arrêtai près de la porte du bâtiment. Avant de la quitter, je pris le temps de jeter un coup d’œil sur la bâtisse. L’impressionnante demeure se découpait sur un fond de ciel illuminé ça et là par des éclairs. L’importance de la bâtisse témoignait de la richesse et de ses origines bourgeoises. Je traversai la cour pavée en vitesse et gravis l’escalier de marbre, deux marches à la fois.

La grande porte en bois s’ouvrit comme par enchantement. Une grande salle de dalles marbrées menait vers un autre escalier, couvert d’un tapis cramoisi d’une épaisseur impressionnante. En haut de celui-ci, une femme de taille moyenne, vêtue d’un tailleur orange élégant, m’attendait. En arrivant en haut des marches, elle me tendit une main délicate et se présenta :

— Corinne Delorme, l’assistante du Docteur.

— Enchanté, dis-je en évitant de croiser mes yeux avec les siens.

— Laissez-moi vous débarrasser de votre veste. Elle joignit le geste à la parole, en tendant ses mains vers moi pour récupérer ma veste trempée. Elle l’accrocha au porte- manteau. Il vous attend dans le salon, ajouta-t-elle. Suivez-moi.

Je la suivis, tout en admirant sa gracieuse silhouette si bien proportionnée.

Elle m’introduisit dans un salon confortable, meublé à l’anglaise. Un feu crépitait dans une immense cheminée.

Un vieil homme mince, à la peau flétrie, en costume trois-pièces assez serré, de couleur brune rayée, comme on n’en met plus, se leva pour me saluer. Son âge était difficile à définir, mais j’étais certain qu’il avait dépassé la soixantaine. Il me tendit une main sèche aux doigts longs et squelettiques. Il avait le crâne dégarni, entouré d’une mini couronne de cheveux courts blancs jauni. Sa moustache grise était recourbée et haut perchée. Il ressemblait à Picasso avec les moustaches de Dali, un sacré mélange pensai-je, en réprimant un sourire. De temps à autre, ses yeux ronds d’une couleur grisâtre roulaient, comme des billes dans leurs orbites. Son regard transmettait une intelligence et plein de malice. Je me présentai en citant le nom de mon oncle dont je suis le neveu. Après un moment d’hésitation, il se souvint de ce nom…

— Vous êtes donc de la parenté de monsieur Henri Houde!

— L’avez-vous rencontré, docteur? Dis-je en me rendant compte du ridicule de ma question.

— Pas du tout. Mais, mon père, le docteur Régis de Mont Chevrier, a complété des rapports médicaux sur son cas. J’avoue que c’était un cas assez intéressant.

À la vue de l’expression de mon visage, il rajouta : « Excusez-moi, Monsieur?…

— Thibault, Alain Thibault.

— Oui, monsieur Thibault, excusez mon langage vis à vis de votre oncle. Il est vrai que nous les médecins, nous ne percevons pas les patients de la même façon que leurs familles…

Il me fit signe de le suivre dans une autre pièce. Elle était grande et ses murs, tapissés de velours bourgogne entrecoupé de rayures verticales aux motifs dorés, semblaient luxueux. Une grande peinture représentant un chevalier en armure ornait le mur du fond surplombant une petite cheminée. Le bureau se trouvait à la gauche en entrant. Deux gros fauteuils se faisaient face du côté droit. Une odeur d’épice agréable, mais capiteuse, embaumait l’endroit. J’essayai de la deviner mais j’en fus incapable.

— C’était quoi son cas alors? J’ai lu ses mémoires mais je vous avoue qu’il y a pas mal d’événements inexplicables, ainsi que des réflexions étranges, voire mystérieuses.

— Il nous faudra plus de quelques minutes pour aborder ce sujet. Voulez-vous boire quelque chose? Un petit whisky?

Je penchai ma tête en signe d’affirmation.

— Corinne, s'il vous plaît! Voulez-vous nous servir deux whiskys, dit-il en se retournant vers son assistante qui semblait ne pas le lâcher d’une semelle. Il m’invita alors, à m’asseoir dans un énorme fauteuil en cuir noir qui se mariait admirablement avec le reste du mobilier de style classique et élégant.

— Voyons voir, par où pourrions-nous commencer? Dit-il en s’asseyant dans l’autre fauteuil.

Je ne pouvais pas m’empêcher d’imaginer le cliché du psychologue ou du psychiatre, qui accueille son patient en l’invitant à s’allonger afin de lui faire raconter les événements de sa vie…

— Si on commençait par le début?





1 comment:

Anonymous said...

J'ai appris que le roman sera publié bientôt.
Bravo!